Déglacer des chemises, tiercer des segments, roder des soupapes : la mécanique moto dispose d’un lexique aussi génial que mystérieux. Mais alors quel est le but de la synchronisation des carburateurs ? Garantir un comportement moteur optimal. En effet, cette opération simple et rapide permet de s’assurer que chaque piston reçoive le même volume d’air et essence. À quoi servent tes papillons ? Comment synchroniser tes carburateurs pas à pas ? Quels outils choisir ? En voilà de nombreuses questions !
Rappelons le rôle du carburateur : mélanger l’air et l’essence. Ce cocktail détonnant pénètre ensuite dans la chambre de combustion pour y exploser, provoquant le déplacement du piston. D’ailleurs, ça peut paraître contre-intuitif mais c’est bien le mouvement du-dit piston qui crée une aspiration, happant l’air à travers le carburateur. Comment ajuster ce flux ? C’est le rôle du papillon d'admission : actionnée par la rotation de la poignée de gaz, cette pièce de métal permet d’obstruer plus ou moins l’orifice d’entrée du carburateur. Moins d’air entrant = moins de mélange dans la chambre de combustion = moins d’accélérations. CQFD ! Notez également qu'un carburateur va de paire avec un piston sur votre moteur, donc si votre meule est un monocylindre, vous devrez uniquement effectuer un réglage de votre carburateur.
Et la synchronisation dans tout ça ? Elle consiste simplement à s’assurer que les papillons de tous tes carburateurs se ferment et s’ouvrent exactement de la même manière.
Pour bien comprendre les soucis provoqués par une désynchronisation, une métaphore s’impose : le vélo. Lorsque tu pédales, le mouvement de tes jambes est symétrique. Tu appuies sur le mollet droit avec la même force que sur le gauche instaurant ainsi un rythme régulier. Que se passe-t-il si tu ne te sers que d’une cuisse ? C’est le bordel. L’effort est bien plus rude pour rouler à la même vitesse, le mouvement est chaotique, ton pédalier morfle et il y a fort à parier que tu n’arriveras pas à grimper le col du Tourmalet ainsi.
Vois-tu où nous voulons en venir ? C’est exactement la même chose pour un moteur (notamment pour un twin). Si un papillon s’ouvre davantage qu’un autre, alors un piston force plus que ses camarades, et c’est le bordel. Une bonne synchronisation est le gage d’un moteur qui tourne au poil avec un comportement optimal.
Les conséquences de carburateurs désynchronisés
Mais d’ailleurs quels sont les symptômes de carburateurs désynchronisés ? Des performances moindres d’abord, une consommation d’essence excessive, une réponse à l’accélération erratique, ainsi qu'un ralenti qui cogne et un moteur vibrant plus que de raison.
Ce n’est pas pour rien que cette opération fait partie de l’entretien normal de ta moto. En effet, selon les modèles il est recommandé de réaliser sa synchronisation des carburateurs tous les 10 000 km ou bien encore lors de chaque réglage du jeu aux soupapes. À toi donc de jeter un œil à la revue technique de ta moto (RTM).
Vérifier mécaniquement ou visuellement que les papillons de carburateurs soient simultanément dans la même position n’est pas chose aisée. Alors plutôt que d’essayer de mesurer leur angle, on va mesurer le flux d’air qu’ils laissent passer. Quel outil utiliser ? Le dépressiomètre, aussi appelé synchroniseur de carburateur. Il mesure l’aspiration présente en aval des papillons. Sa particularité ? Il est composé de deux à quatre manomètres à dépression ce qui permet de réaliser une mesure simultanée sur plusieurs carburateurs.
Depressiomètre pour un moteur bicylindres
Le principe est donc simple : mesurer 2 à 4 dépressions simultanément. Toutefois, il existe plusieurs technologies. Alors pour laquelle opter ? À mercure, flotteurs, aiguilles ou électronique ? Pour des raisons de santé assez évidente, on va écarter la première option. Ceci étant dit, les trois autres technologies se valent. Ton choix doit donc se porter sur un modèle :
Depressiomètre allant jusqu'à 4 cylindres
Quelques infos préambulaires. La synchronisation des carburateurs se fait moteur chaud. Et oui, on cherche à régler le fonctionnement du moteur lorsqu’il est en fonctionnement normal. Il est aussi recommandé de réaliser l’opération sur une bécane en position verticale, sur une béquille centrale, d’atelier ou bien sur un lève-moto. Et enfin, l’objectif n’étant pas de s’intoxiquer au monoxyde de carbone, on va réaliser l’opération dans un lieu ouvert.
Cette opération est plus ou moins délicate selon la conception de ta meule. En effet si tu es chanceux, les carburateurs peuvent être facilement accessibles comme sur des vieux flats type BMW, mais dans la majeure partie des cas ils sont situés sous le réservoir d’essence. Tu dois alors déposer ce dernier.
Le hic ? Le moteur doit tourner pour régler la synchronisation. Il faut alors alimenter tes carburateurs avec du SP. La solution la plus simple reste de s’équiper d’un petit réservoir d’essence auxiliaire. On ne va pas se mentir, ils ont un petit côté perfusion goutte-à-goutte d’hôpital. En même temps, ta bécane est sur le billard, non ?
D'ailleurs, certaines motos sont équipées d'un robinet à dépression. L'essence ne coule que si de l'air circule dans les carburateurs. Sauf que ? Tu vas devoir débrancher la durite ouvrant le robinet. Il faut donc le mettre sur la position PRI pour forcer le flux de sans-plomb.
Où raccorder les tubes de ton manomètre ? Il existe trois possibilités : directement sur le carburateur, sur la pipe d’admission, ou sur la culasse. Selon la configuration de ta moto, le montage peut nécessiter l’usage d’un adaptateur pour raccorder l’outil de mesure. Heureusement, la plupart des modèles disposent d’une multitude d’embouts différents.
Un exemple ici avec un carburateur Keihin :
Certains carburateurs ont leur prise de dépression près de la cuve par exemple, comme ce carburateur Bing :
Nous voulons nous assurer que chacun des manomètres (2, 3, ou 4) donne la même mesure. Pour cela, il y a deux manières de procéder :
Serait-ce le moment de démarrer le moteur ? Oui ! Une fois le moulin en route, il est temps d’ajuster l’écrou moleté de l’outil afin de stabiliser les aiguilles. L’objectif : limiter suffisamment leur oscillation pour obtenir une lecture claire, mais pas trop non plus afin de ne pas les bloquer. Pour rappel, on cherche à calibrer les manomètres, c’est-à-dire à s’assurer qu’ils donnent tous la même mesure. Ce n’est pas le cas ? Alors, il faut régler les vis d'étalonnage en les vissant ou dévissant.
Ton dépressiomètre est maintenant ajusté. Tu peux couper le moteur, puis raccorder un manomètre à chaque cylindre. Il faut alors redémarrer le moteur, donner quelques coups de gaz pour éviter de fausser la mesure à cause d’un séjour prolongé à bas régime, puis laisser retomber au ralenti. Place à la lecture ! Tous les cadrans indiquent la même valeur ? C’est parfait, la synchronisation est idéale. Il y a un écart notoire (valeur indiquée dans la RTM) ? Il faut ajuster tout ça.
Passons au réglage. Généralement sur une rampe, il existe un carburateur de référence qui ne dispose pas de vis de réglage. Si ce n’est pas le cas de ta moto, tu peux choisir celui qui présente la dépression la plus faible comme mesure étalon. Comment procéder ensuite ? Par paire !
Par exemple : si ta meule est dotée de 4 carburateurs, nommés arbitrairement 1, 2, 3, 4. La Revue technique indique que le 3ème est celui de référence (sans vis de réglage). Il faut donc opérer comme suit : équilibrer la paire 3 – 4, puis 1 – 2, puis terminer avec le binôme central 2 – 3.
L’objectif est d’obtenir à chaque mesure des valeurs très proches (tu peux te référer au manuel constructeur pour connaître l’écart admissible). Pour régler la position du papillon, il te suffit à chaque fois de jouer sur la vis de réglage. Attention, il faut faire preuve de patience, en ajustant par 1/8èmes de tour. Une chose à ne pas zapper : donner des coups de gaz entre chaque mesure pour « décrasser » le moteur !
Et voilà, rien de sorcier en somme ! Malgré tout, tu n’arrives pas à correctement synchroniser ta rampe ? Alors le souci vient d’ailleurs : un carburateur sévèrement encrassé ? Une prise d’air sur une pipe d’admission ? N’hésite pas à potasser nos tutoriels pour trouver réponse à tes problèmes. Régler son jeu aux soupapes, changer des joints spi de suspension, nettoyer tes carburateurs, la solution est sans doute sur le blog La Bécanerie.
Motard passionné de voyage, je reviens tout juste d'un road trip en side-car Ural de 50000 km jusqu'en Mongolie et Asie centrale. Je partage mes aventures à 2 et 3 roues sous le nom d’Uralistan ! Ce qui me passionne dans la moto ? La découverte, les rencontres et le partage.
